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vie quotidienne - Page 7

  • 1 Rois 3. Croire vraiment en la générosité de Dieu

    1 Rois 3
    18.6.2006
    Croire vraiment en la générosité de Dieu
    1 R 3 : 5-14 Jn 13 : 12-17

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chères familles des nouveaux baptisés,
    Vous venez de confier ces enfants à Dieu dans le baptême. Vos enfants et vous-mêmes, au travers de vos engagements, vous entrez dans une relation nouvelle ou renouvelée avec Dieu. Chacun d'entre vous qui êtes venus dans cette église ce matin, vous entrez dans la relation avec Dieu. La relation est un dialogue, un échange où chacun peut demander quelque chose à l'autre. En effet, nous venons pour demander des choses à Dieu, puisque nous venons prier : nous souhaitons que Dieu nous aide dans nos difficultés, nous apporte du soulagement ou de la consolation, nous apporte de la joie ou du répit.
    Alors qu'est-ce que Dieu va nous demander en retour ? Dieu ! me demander quelque chose ! Peut-être que l'appréhension monte ? Oui, bien sûr, dans ce dialogue, Dieu nous demande quelque chose, il attend de nous une réponse. C'est ce qui s'est passé lorsque Salomon est entré en dialogue avec Dieu au sanctuaire de Gabaon.
    Dieu est apparu à Salomon dans un rêve et lui a demandé :

    "— Que pourrais-je te donner ? Demande-le-moi." (1 R 3:5)
    Observez bien la délicatesse de la demande ! Dieu — qu'on imagine tout savoir — ne vient pas dire à Salomon : « Je sais ce dont tu as besoin et je vais te le donner. » Non, Dieu ne veut rien imposer, il demande vraiment ce que désire Salomon. Dieu respecte la liberté de Salomon. Dieu ne fait pas le bien des gens contre leur volonté. Dieu nous demande de poser les objectifs de notre vie et de demander ce dont nous avons besoin pour les atteindre.
    Avant de dire ce qu'il désire, Salomon dit à quel point il est reconnaissant envers la générosité de Dieu, pour son père David et pour lui-même. Ensuite, il reconnaît qu'il a reçu son titre de roi, c'est un don qu'il a reçu et qui ne dépend pas de ses mérites, de ses actions, il est simplement le fils du roi précédent. Enfin, il reconnaît ses propres limites : il est jeune et sans expérience, il a besoin de recevoir une intelligence, une sagesse pour accomplir sa mission. Aussi demande-t-il "un cœur plein de sagesse" pour conduire son peuple et pour discerner le bien du mal.
    Avec le recul, on pourrait dire que cette demande est déjà pleine de sagesse et d'intelligence. Cette demande plaît à Dieu. Non seulement Dieu va lui accorder ce qu'il demande, mais en plus il va lui donner ce que Salomon avait renoncé à demander : une longue vie, la richesse et les victoires.
    Cela vaut la peine de se lancer dans le dialogue avec Dieu et de prendre le risque d'écouter ce qu'il nous demande et de lui répondre !
    Le Dieu de la Bible, le Dieu de Jésus-Christ est un Dieu généreux et bienveillant : après le don de la vie, il veut encore nous combler comme Salomon. Peut-on croire que Dieu nous fait, à chacun, la même demande, la même offre qu'il a faite à Salomon ?
    Bien peu de monde y croit ! On a tellement l'habitude d'entendre dire "Dieu est généreux, Dieu est bienveillant, Dieu est amour" que, paradoxalement, cela ne nous touche plus, cela ne nous atteint plus, nous n'y croyons pas.
    Il faut que cela soit reformulé différemment, et surtout hors Eglise, pour que les gens l'entendent : "La vie est généreuse"; "Rien n'arrive par hasard"; Chacun a son ange gardien, apprends à le connaître et il te guidera…"; "Crois en ton destin, demande ce que tu veux à la vie et cela te sera donné."
    Le point commun de toutes ces affirmations, c'est d'ouvrir notre esprit à une présence mystérieuse; c'est de faire de la place pour un être bienveillant au-dessus de nous; c'est de recevoir les événements de la vie comme des dons, des cadeaux; c'est d'avoir conscience de sa petitesse, de ses limites et que cette conscience devient une force; c'est d'avoir conscience qu'il existe une sagesse qui vient du fond des âges et peut nous guider.
    Eh bien, ici — dans l'Eglise — nous donnons au destin, à la force de vie, à la présence mystérieuse, le nom de "Dieu" ou celui de "Jésus-Christ." Jésus-Christ était un "maître" comme il le dit à ses disciples après le lavement des pieds, mais il n'est pas venu comme un tyran, mais comme un serviteur. Au service de la vie, au service de la relation, de l'amour.
    Jésus nous offre la même sagesse que celle qu'il a donnée à Salomon. Cette sagesse est là dans les paroles de Jésus qui se trouvent dans la Bible, un véritable mode d'emploi de la vie et du bonheur, si seulement nous voulions nous en inspirer !
    Dieu ne nous offre pas seulement la vie à la naissance, il nous offre la possibilité du bonheur, quelles que soient les circonstances de l'existence. Il n'offre pas le bonheur aux seuls gens heureux, cela n'aurait pas de sens.

    "Je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu" dit Jésus (Luc 19:10).
    C'est à chacun de nous — dans la situation que nous vivons — que Dieu adresse la même demande qu'à Salomon : "— Que pourrais-je te donner ? Demande-le-moi."
    Oserons-nous dire à Dieu nos désirs secrets et accepter la générosité de sa main ? Avons-nous assez confiance en lui ?
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • 11.6.2006 / Matthieu 7, Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"

    Matthieu 7
    11.6.2006
    Le chemin du bonheur est étroit parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant"
    1 Rois 17 : 5-16 Mt 7 : 7-14

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers membres de l'Abbaye,
    J'ai retrouvé récemment deux livres amusants, mais plein de sagesse. L'un s'intitule : « Comment réussir à échouer » et l'autre : « Faites vous-même votre malheur »*. Je crois que ces deux livres sont de parfaites illustrations de la parole de Jésus :

    "Entrez par la porte étroite ! Car large est la porte, facile est le chemin qui mènent à la ruine, et nombreux sont ceux qui les utilisent. Mais étroite est la porte, difficile est le chemin qui mènent à la vie, et peu nombreux sont ceux qui les trouvent." (Mt 7:13-14).
    Larges sont les boulevards pour échouer, pour pourrir sa vie, pour faire son propre malheur. Mais combien plus difficile est-il de créer du bonheur, de vivre heureux. Pourtant le bonheur est quelque chose à quoi nous aspirons tous, c'est une quête fondamentale de l'être humain. C'est même sûrement ce qui nous différence le plus de l'animal, cette capacité d'organiser sa vie, de prévoir (ou choisir) ses actions, en vue d'un but et la conscience de réussir ou d'échouer.
    Lorsque les évangélistes Matthieu ou Luc rapportent cette parole de Jésus, cette injonction : "Entrez par la porte étroite…" ce n'est donc pas une brimade. Bien sûr, on ne peut pas passer sous silence les quelques siècles où cette parole a été interprêtée comme un appel au renoncement et à la condamnation de bien des plaisirs terrestres, dénoncés comme lieux de tentations… Mais je ne crois pas que ce soit le sens que Jésus voulait y mettre.
    Jésus prononce cette phrase comme une véritable invitation au bonheur. Mais il est conscient qu'il est plus facile d'échouer et de faire son propre malheur que de trouver le bonheur, d'où cette mise en garde : "Large est le chemin qui mène au malheur, étroit est le chemin qui mène à la vie, à la vie en plénitude."
    Nous aspirons tous au bonheur, mais nous sommes maladroits à le recevoir et nous sommes prompt à le voir là où il n'est pas, à nous laisser tromper par des miroirs aux alouettes. On nous propose effectivement plusieurs modèles sociaux du bonheur. Les plus anciens (santé, amour et fortune) contiennent un peu plus qu'une apparence de bonheur — ils sont des ingrédients qui rendent la vie plus facile — mais ne sont pas encore en eux-mêmes le bonheur.
    Bien sûr, il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade… dit la sagesse populaire : on s'en serait bien douté. Mais n'y a-t-il aucun espoir de bonheur pour ceux qui ne correspondent pas à ces critères prescrits ? Celui qui perd son travail, son conjoint ou la santé, n'a-t-il plus aucune chance d'être heureux ? Eh bien l'Evangile nous dit que le bonheur peut survenir dans toutes les situations de vie, mais sans sous-estimer l'effort et l'énergie que cela demande.
    J'ai parlé des modèles anciens (santé, amour et fortune), il y en a de plus récents, érigés par notre société médiatique qui sont : la consommation, la célébrité et l'évasion. Pas besoin de longues explications pour voir à quel point ces idéaux sont fragiles, illusoires et éphémères.
    Mais j'aimerais revenir sur le problème de la précarité qui semble être le plus grand obstacle d'aujourd'hui au bonheur. Comment trouver un bonheur durable dans une société qui rend précaire aussi bien l'unité du couple que la durée d'un contrat de travail ?
    C'est là que j'aimerais prendre l'exemple de la Veuve de Sarepta à qui Elie demande à manger. Elle et son fils sont dans une précarité totale : demain, ils n'auront plus rien. Pourtant, le lendemain et les jours suivants, la farine et l'huile ne sont pas épuisées, elles se renouvellent. Evidemment, c'est un miracle et comme événement impossible, cela me dérange : c'est trop facile de s'en sortir comme ça ! Tout arranger par un miracle, c'est du chiqué, nous savons que cela ne se passe pas comme ça dans la vie ordinaire.
    Alors que faut-il comprendre de ce récit ? Deux choses. Si c'est impossible matériellement, qu'en penser ? D'abord, prenons au sérieux que c'est impossible matériellement. Prenons acte qu'il est impossible de nous satisfaire matériellement. Il y aura toujours une voiture plus puissante que la mienne, un ordinateur plus rapide que celui que je viens d'acheter, une nourriture plus fine que celle de ma table, des vacances plus belles que mes dernières. Et nous n'aurons pas tout ça ! Si nous attendons un bonheur matériel, il sera toujours quelques pas devant nous et nous pourrons courir derrière pendant toute notre vie sans jamais le rattraper. Allons-nous créer notre propre malheur en gémissant toute notre vie sur ce fait ? A nous de choisir…
    Deuxième chose, si nous prenons le récit à un autre niveau, il illustre que chaque jour est un jour nouveau qui apporte son lot de possibilités. Chaque jour, le "pot de la vie" est réapprovisionné, en chance de bonheur, de vraie vie. Le destin, la vie, ou Dieu, nous sert chaque jour un nouveau pot avec de la farine et de l'huile pour nourrir notre bonheur. Savons-nous saisir cette chance ?
    Enfin, le piège final — qui récapitule les autres — et que nous créons nous-mêmes, c'est de croire que le bonheur est toujours ailleurs ou pour plus tard. Il est avec le nouveau produit, le nouvel objet; avec un autre travail ou un autre patron; avec un autre conjoint; lorsqu'il fera beau temps; après ce culte; après les vacances; quand j'aurais enfin du temps; demain, après-demain, mañaña, etc…
    Large est le chemin, l'éventail des possibilités où le bonheur pourrait venir, si… Avec cela nous faisons notre malheur, parce que tout cela est en dehors de nous, hors de notre maîtrise.
    Le chemin du bonheur est étroit, parce qu'il se faufile dans le "juste maintenant", dans l'instant présent que je vis ! Juste maintenant — que puis-je apporter à ma vie? Dans l'instant, que puis-je recevoir, trouver, comment puis-je entrouvrir la porte au bonheur ?
    La promesse divine, c'est que chaque jour est le lieu et le moment de l'ouverture au bonheur, chaque jour apporte sa farine et son huile. Chaque jour : demandez la touche de bonheur et vous la recevrez, cherchez le bonheur et vous le trouverez.
    Large est le temps de passer à côté du bonheur: il y a tout le passé à regretter et tout l'avenir à espérer ou à craindre. Etroit est le temps du bonheur puisque ce n'est que dans le "juste maintenant" et pourtant c'est le moment que nous ne cessons de vivre, tout le temps. Personne n'est privé du moment présent, quelles que soient les circonstances de la vie. Ce moment présent est donné à tous, constamment et c'est là que se trouve le moment du bonheur, juste maintenant… et maintenant… et maintenant… et lorsque je trinquerai avec mon voisin de table; le bonheur d'un vrai regard échangé, de personne à personne.
    Oui, pétrissons la galette de vie de ce moment-là, juste maintenant.
    Amen


    *Paul Watzlawick, Comment réussir à échouer, Paris, Seuil, 1984.
    Paul Watzlawick, Faites vous-même votre malheur, Paris, Seuil, 1988.


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • 14.5.2006 / Luc 2. La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine

    Luc 2
    14.5.2006
    La double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine
    Mc 10 : 13-16 / Luc 2 : 41-51

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, Chers Amis,
    Cette semaine, j'étais en visite dans une classe de 2e année (avec des enfants d'environ 8 ans). Je répondais à leurs questions sur le programme d'histoire biblique, sur Dieu, sur Jésus, etc… Et voilà qu'une fille me pose la question : "Mais qui est le père de Jésus ?" On sent en même temps la curiosité et le doute sous-jacent. Elle a entendu différentes choses qui — toutes mises ensemble — ne donnent pas une réponse claire.
    Et si la scène se passait au temps de Jésus ? On imagine assez bien les disciples empêcher les enfants d'approcher Jésus pour qu'ils ne posent pas de questions aussi embarrassantes. "Dis, Jésus, c'est qui ton papa ?"
    Cette enfant avait senti qu'il se pose-là une question importante, essentielle, explosive ! Cette question est posée à propos de Jésus déjà dans les Evangiles. Elle et soulevée par Luc dans l'épisode de Jésus au Temple. Marie et Joseph cherchent Jésus. Lorsqu'ils le trouvent, Marie dit : "Ton père et moi nous étions très inquiets" (Lc 2:48) et voici que Jésus répond : "Il fallait que je sois dans la maison de mon Père." (Lc 2:49).
    Jésus se présente bien comme ayant deux pères, Joseph et Dieu ! Mais si cette question est posée à propos de Jésus, elle nous concerne tous, même sans remettre en rien la question de notre filiation biologique. Quelle est notre origine ? D'où vient la vie qui nous habite ? Qui nous met vraiment au monde ? De qui voulons-nous recevoir / porter / transmettre l'héritage ? Pouvons-nous nous contenter de la réponse biologique, matérielle ?
    C'est là que la double paternité de Jésus est révélatrice de toute la condition humaine. Lorsque Jésus dit à ses parents : "Je dois m'occuper des affaires de mon Père," il révèle d'existence d'un monde parallèle à notre monde. D'habitude les mondes parallèles apparaissent seulement dans les livres de science-fiction. Pourtant, je crois que Jésus nous présente un monde parallèle chaque fois qu'il nous parle du Royaume de Dieu.
    Il y a une réalité terrestre dans laquelle parents et enfants sont liés biologiquement. Mais il existe un autre niveau de réalité, au-delà des apparences. Au premier niveau "nos enfants sont nos enfants." Mais au deuxième niveau "nos enfants ne sont pas nos enfants" comme le dit le poète Kahlil Gibran. Et cette deuxième phrase est tout aussi vraie que la première ! C'est ce que Jésus dit à ses parents.
    Jésus cherche à nous élever à ce deuxième niveau de réalité. Il y a quelque chose de plus que la réalité biologique, matérielle. Il y a une dimension subtile, qui donne du relief, de la substance, du sens à ce qu'on vit. Bien sûr on vit et on est plongé dans la réalité matérielle et biologique. Un simple mal de dent nous ramène à cette réalité bien terre à terre. Loin de moi l'idée de la nier.
    Cependant, il est possible — et c'est le privilège de l'être humain — de vivre cette réalité en prenant un petit peu de recul. Etre en même temps celui qui vit et celui qui regarde cette vie. Petit décalage qui s'appelle "avoir conscience de…" Petit décalage qui fait passer de la physique à la métaphysique ! De bien grands mots pour exprimer des choses toutes simples : décalage entre manger et se nourrir, entre vivre et exister, entre respirer et inspirer / expirer.
    On respire tout le temps, c'est un réflexe, on n'a même pas besoin d'y penser (heureusement). Mais de temps en temps, prendre une inspiration, puis se laisser expirer. Ou le contraire, expirer tout l'air de ses poumons, puis se relâcher et l'inspir se fait tout seul. Essayez.
    Faire les choses avec conscience, c'est peut-être simplement cela entrer dans le Royaume de Dieu. Ouvrir sa conscience à l'existence d'une autre réalité, une réalité très subtile, on ne peut pas la toucher, la saisir, s'en emparer, mais on peut la laisser venir, éclore, nous toucher.
    Cette autre dimension, c'est celle de la relation, du lien, une dimension immatérielle, mais tellement réelle. C'est dans cette dimension que s'inscrit le bonheur, la joie, les émotions. C'est dans cette dimension que sont gravés les premiers sourires de nos enfants, les premiers émois amoureux, les amitiés indéfectibles. Et personne ne peut nous les retirer. Ce sont les trésors amassés dans le ciel — dont parle l'Evangile (Mt 6:20) — qui ne peuvent ni pourrir, ni rouiller et que personne ne peut dérober.
    C'est à cette dimension que nous sommes appelés à nous ouvrir — ce que Jésus appelle "la maison de son Père," de notre Père. C'est vers cette dimension que nos enfants nous entraînent par l'exemple de leur émerveillement devant la vie. C'est vers cette dimension que nous avons à projeter nos enfants comme l'arc envoie la flèche vers l'avenir, comme de dit le poète :

    "Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.
    L'Archer voit le but sur le chemin de l'infini, et Il vous tend de Sa puissance
    pour que Ses flèches puissent voler vite et loin.
    Que votre tension par la main de l'Archer soit pour la joie;
    Car de même qu'Il aime la flèche qui vole, Il aime l'arc qui est stable." Khalil Gibran
    Ayons conscience de cette mission que Dieu nous confie.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Apocalypse 1. Reformuler l'évangile avec les mots d'aujourd'hui.

    Apocalypse 1
    7.5.2006
    Reformuler l'évangile avec les mots d'aujourd'hui.
    Col 4 : 12-18 Rom 16 : 25-27 Apoc 1 : 4-8

    Chères paroissiennes, chers paroissiens de toute la Région,
    Nous sommes rassemblés ici pour vivre un culte sous le signe de l'Eglise universelle ! La plupart d'entre vous êtes sortis de votre paroisse pour venir ici vivre ce culte et nous nous ouvrons encore pour étendre cette communion à l'Eglise malgache. Nous voulons marquer notre espérance de l'instauration du règne de Dieu et d'une Terre nouvelle par les gestes que nous ferons aujourd'hui : écrire une carte postale et partager notre offrande.
    Ouvrir notre culte à la dimension de l'Eglise universelle, ce n'est pas seulement franchir une frontière géographique, c'est franchir une frontière mentale : c'est abolir la frontière des différences qui font peur, des éloignements qui créent l'indifférence, des privilèges qui nous isolent.
    En proposant d'écrire un message de fraternité, de foi, à une autre communauté, à d'autres personnes, nous nous inscrivons dans une longue tradition ! La moitié du Nouveau Testament est constituée de lettres, écrites à des Eglises ou à des personnes. Ces lettres contiennent aussi bien des enseignements théologiques que des messages personnels, des encouragements que des salutations individuelles.
    La lettre était un moyen de communication à la portée de tous, à la différence de la stèle ou du livre en parchemin. On pourrait dire que la lettre était à cette époque ce que le blog sur internet est à la nôtre : un moyen facile, léger et multipliable de diffuser un message. Cependant, pour rester léger, il ne fallait pas écrite des volumes entiers, il fallait être bref, concis, condensé. Il fallait dire beaucoup en pu de caractères, comme sur un SMS. C'est pourquoi on trouve dans ces lettres du Nouveau Testament des formules très courtes, très résumées, de véritables perles, d'une grande richesse théologique.
    J'ai choisi deux de ces messages courts, qui expriment en quelques mots la foi de leurs auteurs. Le premier nous est livré par l'apôtre Paul dans la louange finale de sa lettre adressée à l'Eglise de Rome (Rom 16:25-26).
    L'apôtre parle de l'évangile qu'il annonce comme d'un "plan secret" (voilà qui devrait aiguiser l'appétit des amateurs de mystères !). Ce plan secret, ce mystère a longtemps été tenu secret; puis Dieu a décidé de le révéler, de le mettre en lumière, d'abord par les livres des prophètes (voilà une bonne occasion de relire l'Ancien Testament), puis pleinement au travers de Jésus-Christ, avec l'objectif de toucher "toutes les nations."
    Le plan de Dieu est donc bien universel, il concerne tout le monde, il nous concerne. En effet, si nous sommes-là ce matin, c'est que nous avons reçu ce message et sommes mis dans la confidence de ce plan secret. Nous sommes les maillons d'une chaîne, une chaîne de transmission pour que cet évangile atteigne toutes les nations de la terre.
    Ici, Paul, cependant, n'explique pas ce mystère, il ne lui donne pas de contenu dans ce passage. A nous de remplir le vide laissé par Paul, à nous de trouver le langage actuel pour expliquer ce plan mystérieux à nos contemporains. Nous n'avons pas à nous laisser enfermer dans les mots d'un auteur — fût-il biblique. D'ailleurs, au sein du Nouveau Testament, il y a diversité d'expression.
    Avec des mots différents, Jean l'Ancien donne un contenu, bref et résumé, de ce mystère. En quelques mots, il parle de Dieu, de l'œuvre de Jésus-Christ et de son effet sur l'être humain (Apoc 1:4-8). Les théologiens nous diront que ces mots sont très riches et portent une très haute spiritualité. Ils étaient sûrement compréhensibles pour la communauté de Jean, mais le sont-ils pour nous et surtout pour ceux qui se sont distancés de l'Eglise ?
    Que veut dire aujourd'hui la formule — devenue liturgique — "Le Seigneur qui est, qui était et qui vient" ? Que sont les 7 esprits évoqués ? Que veut dire "premier-né d'entre les morts" ? Comment expliquer cela à nos voisins ou à nos catéchumènes ?
    Aussi bien Paul que Jean arrivent en quelques lignes à condenser le message de l'évangile, la bonne nouvelle. Mais les mots qu'ils utilisent ne sont plus ceux de la vie de tous les jours. Pour comprendre Paul ou Jean, nous avons besoin de traducteurs et souvent d'explications. Notre tâche, aujourd'hui, reste celle de transmettre cette bonne nouvelle, mais nous avons un gros effort de reformulation à faire.
    Nous tous qui avons été touchés par l'évangile, nous avons à faire l'effort de le redire dans nos propres mots. Nous ne pouvons nous contenter de répéter les mots de Paul, de Jean, … ou de notre pasteur. L'évangile, comme le Christ, est vivant. La parole biblique nous touche dans nos vies, dans nos vies réelles. Alors, dans tous nos lieux d'Eglise, dans tous nos services communautaires, dans tous nos lieux d'enseignement (la formation d'adulte, le catéchisme, le culte de l'enfance, les groupes de prière ou de parole) nous avons à chercher de nouveaux mots, de nouvelles formulations, un nouveau langage, pour exprimer — en vérité — le langage de notre cœur, le langage de notre vie, le langage de notre être.
    Le chemin pour y arriver n'est pas de devenir plus savant, plus versé dans le vocabulaire biblique. Il s'agit plutôt — à mon sens — de prendre conscience en nous-mêmes où le Christ et la bonne nouvelle nous touche, où il transforme nos vies et nos relations, comment il nous aide à affronter les difficultés et les épreuves.
    Nos voisins, nos catéchumènes ne recherchent pas un savoir, une leçon, un mode d'emploi. Ils ont besoin d'exemples de croyants, de modèles de personnalités qui marchent dans la vie en faisant envie. C'est un grand défi, mais nous pouvons le relever.
    Que l'Esprit de Dieu, qui s'adresse aux Eglises du monde entier, nous remplisse tous de l'élan de communiquer l'amour que nous avons reçu, avec une vraie présence.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Ephésiens 6. Nous avons tout misé sur le faire et nous ne croyons plus à la force de l'être.

    Ephésiens 6

    30.4.2006
    Nous avons tout misé sur le faire et que nous ne croyons plus à la force de l'être.
    Dt 6 : 1-7 Eph 6 : 1-4 Luc 6 : 27-28

    Chères paroissiennes, chers paroissiens, chers invités au baptême d'Elise,
    Mercredi soir, la TSR organisait le débat d'Infrarouge autour de la violence des jeunes. Jeudi soir, nous avons eu une longue discussion en Assemblée Régionale sur un nouveau projet de catéchisme. Aujourd'hui, nous avons vécu un baptême, baptême qui engage les parents, parrain et marraine à donner à leur enfant et filleule une éducation chrétienne.
    Mais qui sait aujourd'hui ce qu'est une éducation chrétienne, ou plus simplement comment l'on doit éduquer les enfants… et les adolescents, tâche plus périlleuse encore ! Il y a une véritable remise en question du système éducatif et de l'école, beaucoup d'interrogations. Comment élever un enfant aujourd'hui, comment réussir son éducation, lui transmettre des valeurs, lui donner les bons repères ?
    Nous sommes tous confrontés à ces questions, même si nous ne sommes pas directement parents, puisque nous côtoyons des enfants ou des jeunes, ne serait-ce que sur les places publiques, dans les trains ou les bus.
    Alors j'ai commencé ma petite recherche biblique sur l'éducation… Eh bien, j'ai été plutôt effrayé ! Dans l'ancien Testament, je n'ai trouvé que des passages sur la répression. Petit échantillon :
    Prov 19:18, "Corrige tes enfants tant que tu as l'espoir de les aider, mais ne t'emporte pas au point de vouloir leur mort."
    Dt 21 : 18-21, Je résume : Le fils rebelle qui ne se soumet pas doit être lapidé.
    Dans le Nouveau Testament, l'éducation se joue en termes de hiérarchie. L'enfant doit obéir à ses parents (comme la femme à son mari et l'esclave à son maître) (Col 3:20). Et des enfants obéissants sont des marques de respectabilité pour les pères (qui peuvent alors accéder à des responsabilités dans l'Eglise) (1 Tim 3:4-5). Que faire à partir d'un tel constat ?
    1) Accepter que les lois de l'Ancien Testament — à l'exception du décalogue — n'ont plus de valeur légale, normative pour nous.
    2) Pour le Nouveau Testament, tenter d'ôter la gangue sociologique qui masque le message évangélique des textes en approfondissant notre lecture, par exemple du texte d'Ephésiens 6 : 1-4.
    Que dit l'apôtre ? Il rappelle la loi divine (l'un des dix commandements), il rappelle la promesse positive qui motive ce commandement et il replace tout cela dans le contexte, sous l'autorité ou plutôt sous l'exemple du Seigneur, le Christ. "Elevez vos enfants en leur donnant une éducation inspirée par le Seigneur." (Eph 6:4). Donc trois éléments, la loi, la promesse de bonheur et l'exemple du Christ.
    A. Le rappel de la loi est important, c'est peut-être quelque chose qui avait été un peu perdu ou mis de côté ces dernières décennies, à cause de tous les abus d'autorité et toutes les rigidités inutiles pour lesquels la loi était devenue un alibi.
    Il faut donc relever que la loi dont il s'agit — et à laquelle les enfants doivent obéir — n'est pas la loi des parents, mais la loi divine — loi divine à laquelle les parents sont aussi soumis. En tant qu'adultes (et parents), nous sommes aussi soumis à la loi et c'est bon de le dire à nos enfants ! La loi est une protection contre la tyrannie et contre l'abus, elle est donc bonne, pour les parents comme pour les enfants.
    B. C'est pourquoi la loi est assortie d'une promesse, une promesse de bonheur et de longue vie. Il est intéressant ici de noter le parallèle entre ce passage de la lettre aux Ephésiens et celui du Deutéronome (Dt 6:4-7). Nous y retrouvons le schéma loi - promesse - exemple. La loi divine n'est pas là pour opprimer (c'est la croyance du serpent de Genèse 2), mais pour nous libérer pour le bonheur. Il y a une promesse de vie attachée à la loi, à la parole de Dieu. Ce qu'un psychologue a résumé ainsi : Dans la relation parent-enfant, l'affection est de l'amour pour tout de suite, la norme est de l'amour pour plus tard.
    C. Il y avait la loi, il y a la promesse de vie, il y a enfin l'exemple, celui du Christ. "Une éducation inspirée par le Seigneur" dit l'apôtre (Eph 6:4). Là, je crois qu'il est important de faire une distinction entre l'enseignement et l'éducation. L'enseignement porte sur un contenu à apprendre, l'éducation porte sur des exemples à intégrer.
    Søren Kierkegaard, le théologien-philosophe danois, avait souligné* cette distinction en différenciant clairement Socrate qui éveille à la connaissance et Jésus qui invite à le suivre (Nachfolge). Socrate est un enseignant qui a des élèves, Jésus est un maître qui a des disciples. La sagesse populaire a résumé ironiquement cela en quelques mots : "Faites ce que je dis, pas ce que je fais" ce qui révèle a contario que l'éducation ne passe pas par des discours, mais par l'exemple.
    Et c'est là que le bât blesse dans notre société ! Nous avons perdu le sens de la transmission des valeurs, parce que nous avons tout misé sur le faire (et le dire) et que nous ne croyons plus à la force de l'être.
    Par certains aspects, c'est même encore pire, puisque tous les médias ne nous offrent même plus une vitrine de l'action héroïque, mais seulement du paraître et du mensonge, que sont la mode, la célébrité et la publicité.
    Nous ne croyons plus à la force de l'être, disais-je. Parmi les personnes vivantes aujourd'hui — si je cherche quelqu'un qui rayonne pour son être — je ne vois guère que le Dalaï-lama. Il incarne cette force de l'être. Où sont les chrétiens ?
    Que veut dire être, simplement, tout faire reposer sur l'être ? Je crois que Jésus en donne une clé dans les paroles que nous avons entendue dans l'Evangile de Luc (Lc 6:27-28). Etre, c'est être soi-même quelles que soient les circonstances, en gardant inviolable à l'intérieur de soi un espace d'amour et de paix.
    Je vais essayer de transposer ces paroles de Jésus pour faire comprendre ce que peut être ce "être soi-même quelles que soient les circonstances."
    Je peux être l'être aimant que je voudrais être, même si le monde est injuste, brutal et cruel.
    Je peux faire le bien, même si je rencontre de l'opposition et que mes actes sont repoussés.
    Je peux dire du bien et voir du positif, même chez ceux qui me critiquent et m'humilient.
    Et si tous ceux-là sont encore imperméables à ce que je suis et à ce que je leur offre, je peux encore les confier à Dieu dans la prière. Le fait que mon amour, ma bienfaisance ou ma bénédiction ne sont pas reçus, n'enlève rien au fait que j'en ai eu l'élan, que je les ai déployés et que j'ai eu plaisir à le vivre.
    Mon bonheur est dans cet état d'être, dans cet élan, il n'est pas dans la réussite ou dans l'hypothétique changement de l'autre. L'amour du Christ n'est pas anéanti par tous ceux qui ne croient pas en lui. Il est vivant parce que son être n'a pas cessé de dispenser son amour autour de lui — quoi qu'il arrive. Et nous savons ce qui est arrivé…
    Alors, pour conclure, j'affirmerai que l'éducation chrétienne n'est pas un enseignement à donner à ses enfants, mais d'abord une éducation de soi-même à croître en être, au contact de la source de tout amour qu'est Dieu.
    Montaigne disait : "Un enfant n'est pas un vase qu'on remplit, c'est un feu qu'on allume !" Faisons croître le feu de l'être qui est en nous pour que ceux qui nous côtoiement s'enflamment à leur tour.
    Amen

    * Søren Kierkegaard, Riens philosophiques, Paris, NRF, Gallimard.

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Ezéchiel 37. Pâques : une force pour créer une communauté nouvelle

    Ezéchiel 37
    16.4.2006
    Pâques : une force pour créer une communauté nouvelle
    Ez 37 : 1-14 Jn 20 : 1-10

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Dans sa grande vision des ossements desséchés qui reviennent à la vie, le prophète Ezéchiel nous présente le processus exactement inverse de ce qui se passe dans un tombeau. La réalité biologique et matérielle du monde dans lequel nous vivons, c'est que tout va vers sa dégradation, vers l'éparpillement, vers la mort et la destruction.
    Ce qui est lavé et propre se salit, ce qui est neuf devient usagé, ce qui est pur se mélange ou se fait contaminer, ce qui est uni se désunit, ce qui est accordé se désaccorde, etc… Les scientifiques ont même trouvé un mot pour définir cette dérive inexorable; ils appellent cela l'entropie.
    Eh bien, voilà que Dieu fait participer Ezéchiel à un mouvement contraire, opposé. Dieu invite Ezéchiel à voir et à être l'acteur d'un phénomène inverse. Ce qui était mort, perdu, dégradé, ce qui était désespérément desséché va revivre.
    Il faut dire là quelques mots sur le moment de l'histoire où Ezéchiel reçoit cette vision et à qui il la raconte ensuite. Ezéchiel est prophète du peuple juif exilé à Babylone. Jérusalem a été prise, le Temple détruit, le roi déchu, le peuple déporté, la terre promise perdue. Les Israélites sont dans une situation désespérée, ils sentent mourir leur identité, ils se sentent comme des ossements desséchés.
    C'est dans cette situation — apparemment sans espoir — qu'Ezéchiel est témoin de cette vision d'une résurrection de son peuple ! Dieu va redonner vie à son peuple, il va faire du neuf avec ce qui semble irrécupérable et perdu. Il va renverser le mouvement de l'entropie et du désespoir pour faire triompher la vie.
    Il est intéressant de voir que dans cette vision, Ezéchiel n'est pas un spectateur passif, assis dans un fauteuil de cinéma. Dieu demande à Ezéchiel d'agir, d'être acteur du changement, de la transformation. Ezéchiel doit même donner des ordres à l'Esprit divin — c'est le monde à l'envers !
    Ou plutôt — comme nous les savons maintenant — c'est l'habitude, le mode de faire préféré de Dieu d'impliquer l'être humain dans ses projets. Nous avons-là une préfiguration de l'incarnation. Dieu ne travaille pas sans nous, sans nos bras, sans nos mains, sans nos bouches. Dieu ne veut pas se passer de l'être humain pour réaliser ses desseins. Il a continué à le faire avec Jésus, avec les disciples et les apôtres et continue avec nous aujourd'hui.
    Les Evangiles sont comme des développement de cette vision d'Ezéchiel. Dans son ministère, Jésus travaille à rassembler, à susciter la force de la vie contre les forces destructrices. Il travaille à rassembler ce qui semblait perdu pour en faire du neuf, les prémices du Royaume.
    Les Evangiles racontent ce combat de Jésus contre les forces de mort. Ce combat n'est pas un combat mythologique où des dieux s'affrontent dans un Olympe lointain. Ce combat se passe sur terre, en plein cœur de la vie humaine, au cœur des préoccupations, des souffrances humaines. Chaque miracle de Jésus est un signe de la volonté de Dieu de soulager la souffrance humaine, chaque parole de Jésus et un pas pour reconstituer la communauté humaine. Comme les os desséchés sont remis ensemble, réunis par les nerfs, habillés de chair et recouverts de peau, ainsi la communauté humaine, sociale, est retissée, rhabillée et remise en contact.
    Et Jésus nous donne les outils de cette re-création d'une communauté humaine soudée : le pardon, la réconciliation, le non-jugement, l'acceptation de soi, la bienveillance, l'amour du prochain.
    Le temps de la Passion que nous venons de vivre nous rappelle cependant que d'énormes obstacles se dressent sur cette route, que les forces de mort sont présentes, que l'affirmation du bien ne se fait pas sans difficultés, sans sacrifices ! Jésus y a laissé sa vie !
    La mort semblait l'avoir emporté, mais le matin de Pâques nous rappelle que malgré les apparences, Dieu fait triompher la vie, Dieu continue à agir à travers Jésus, comme il l'avait fait au travers d'Ezéchiel : Il redonne vie aux ossements desséchés, aux espoirs perdus.
    Jésus était mort, victime de la violence des humains, mais Dieu l'a relevé d'entre les morts. Le gain de la mort n'était qu'un apparence, comme un brouillard qui s'évanouit devant le soleil de Dieu.
    Comme Dieu avait engagé Ezéchiel pour être acteur dans la vision des ossements transformés en communauté vivante, Dieu enrôle maintenant les disciples pour être les acteurs dans la création d'une communauté nouvelle qui annonce l'Evangile : puissance de vie et de re-création.
    La vie a le dernier mot et Dieu nous engage pour témoigner de cette victoire. Il nous engage à former une communauté, un peuple vivant témoignant du Dieu de Vie.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Jean 19. Jean présente Jésus sur la croix comme l'agneau de la Pâque

    Jean 19
    14.4.2006
    Jean présente Jésus sur la croix comme l'agneau de la Pâque
    Ex 12:1-8+12-14 Jn 19:16-30 Jn 19:31-37

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aujourd'hui, vendredi saint, nous commémorons, nous nous souvenons de la mort de Jésus. Il est difficile d'imaginer comment les disciples de Jésus ont vécu la condamnation et l'exécution de leur maître, cela d'autant plus que les Evangiles nous disent que tous les disciples étaient dispersés et que seules des femmes étaient au pied de la croix. En fait, dès l'arrestation de Jésus, tout était fini pour les disciples ! Une fin désastreuse, une fin sans espoir, pour eux qui avaient pourtant tout laissé pour le suivre.
    Le récit des pèlerins d'Emmaüs nous donne le ton de ce que devait être le ressenti des disciples : un échec, un beau gâchis, que d'espoirs perdus. On ne peut s'empêcher de penser que tout se serait arrêté là s'il n'y avait pas eu le miracle de la résurrection. Sans elle, la mort de Jésus n'aurait été qu'une exécution de plus dans un temps troublé. Les disciples auraient fait leur deuil et tout se serait arrêté.
    Mais parce qu'il y a eu les apparitions de Jésus, parce que Dieu n'a pas voulu que l'histoire s'arrête-là, les disciples ont été mis en route, stimulés, poussés à comprendre ce mystère de la Passion de Jésus.
    Si Dieu a relevé ce Jésus d'entre les morts, alors sa vie, sa prédication et sa mort devaient avoir un sens que nous n'avons pas perçu lorsqu'il était parmi nous. Il faut reprendre — mot à mot — tout ce qu'il nous a dit; pas à pas — tout ce qu'il a fait pour trouver un sens à tout ce qui est arrivé et surtout à cette mort infamante sur la croix. Ainsi peut-on imaginer le début de la recherche qui a conduit à la rédaction des Evangiles.
    Toute mort, par son côté absurde, nous pousse à chercher des raisons de sa survenue. Pourquoi ? et pour… quoi ? quel sens peut avoir la mort ? Les explications vont généralement dans deux directions : vers le passé, vers les causes. Qu'est-ce qui a provoqué cette mort ? Et vers l'avenir. Quelle leçon peut-on en tirer, quel élan peut-elle donner, quel avancement peut-elle apporter ?
    Je crois que les récits de la Passion dans les Evangiles poursuivent ces deux directions, vers la cause et vers le but. Les récits de la Passion nous présentent une analyse, comme un descriptif, le pas à pas des dernières heures de Jésus. Ils identifient tous les acteurs, tous les faits et gestes, toutes les circonstances qui ont conduit et entouré la mort de Jésus et sa mise au tombeau.
    Et puis, ces récits insèrent au fil du texte des références qui ont pour but de donner des sens aux événements, ce sont des références à l'Ecriture, à l'Ancien Testament. Ces références sont là pour montrer que ce qui se passe est en lien avec un univers de sens plus vaste.
    Les événements ne se déroulent pas au hasard, on peut leur donner un sens, une raison, un but. La mort de Jésus n'est pas absurde, elle s'inscrit dans un mouvement plus large, dans une histoire plus vaste, dans une alliance et une relation entre Dieu et son peuple, une histoire de vie et de salut.
    Les citations renvoient au Ps 22 qui ressemble à une description d'une mort sur une croix : "Ils ont percé mes pieds et mes mains" (v.17); "Ils se partagent mes habits, ils tirent au sort mes vêtements" (v.19). C'est le Psaume qui commence par le verset : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné" (v.1) que citent Marc et Matthieu. Jean cite encore la parole sur la croix "J'ai soif" qui renvoie au Ps 69:22 qui décrit le juste indûment persécuté.
    Et puis Jean continue avec un passage qui ne se trouve dans aucun autre Evangile, l'épisode où les soldats doivent briser les jambes des crucifiés pour hâter leur mort afin qu'ils puissent tous être dépendus avant le début du sabbat.
    Mais Jésus est déjà mort, ses jambes ne sont donc pas brisées. Un soldat le transperce au côté pour s'assurer de sa mort. Cela permet à Jean de citer deux fois l'Ecriture : "Aucun de ses os ne sera brisés" (Ex 12:46, Nb 9:12) et "Ils verront celui qu'ils ont percé" (Za 12:10). Cette dernière citation fait référence à un texte messianique. Jean nous confirme par là que Jésus est bien le Messie.
    Mais j'aimerais revenir sur la citation précédente : "Aucun de ses os ne sera brisés." Cette phrase est un commandement de Moïse concernant l'agneau qui est sacrifié et mangé lors de la Pâque. Jean développe ainsi un thème, une interprétation de la mort de Jésus qui lui et chère : Jésus est " l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde." C'est la phrase que Jean Baptiste prononce lorsqu'il voit arriver Jésus pour lui demander le baptême : "Voici l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1:29).
    Ainsi donc, dans son récit de la Passion, Jean glisse encore — par la mention qu'aucun de ses os n'ont été brisés — que Jésus est l'agneau sans tache ni défaut qui est sacrifié à Pâque. En indiquant que la crucifixion de Jésus a lieu juste après midi, Jean la fait coïncider avec l'heure où commencent les sacrifices des agneaux dans le Temple.
    Jean nous donne donc là une clé importante de sa compréhension de la mort de Jésus. Comme les Hébreux en Egypte ont été sauvé du fléau exterminateur en appliquant du sang de l'agneau sur les montants des portes de leurs maisons, de même, le sang de Jésus versé sur la croix protège le chrétien des puissances destructrices.
    Jésus, sur la croix, est la victime pure et sainte (Cantique 286), l'agneau sans tache et sans défaut qui donne sa vie pour le salut de tous. Jésus fait cadeau de sa vie pour tous les humains, il efface — d'un geste un latéral, inconditionnel — toute dette que nous avions à l'égard de Dieu. Il délie tous les liens, tous les fardeaux, tous les boulets qui nous retiennent en Egypte, pour que nous puissions avancer, comme des êtres libérés, libres vers la Terre promise.
    La mort de Jésus n'avait rien d'absurde — en fin de compte. Elle s'inscrit dans le don, incommensurable, de l'amour que Dieu a pour nous. Dieu n'a qu'un message pour nous : Par amour, je vous donne ce que j'ai de plus précieux, je donne ma vie pour que vous viviez.
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Josué 5. 40 ans pour sortir de nos Egyptes et accéder à la Terre des bénédictions

    Josué 5
    19.3.2006
    40 ans pour sortir de nos Egyptes et accéder à la Terre des bénédictions
    Jos 5 : 3-12 Néh 9 : 5b, 9-23 Ac 7 : 20-37

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Pour marquer l'ouverture de cette année des 40 ans de la paroisse, on m'a demandé de parler de la place et de la signification du nombre 40 dans la Bible. C'est vrai que le nombre 40 est souvent utilité par les auteurs bibliques. Il est utilisé pour des mesures du Temple (Ez 41:2), pour compter des fils (Jg 12:14), ou des vaches (Gn 32:15), même pour compter des coups de fouets (Dt 25:3), des jours ou des années.
    Aujourd'hui, je ne prendrai en compte que les années. Que signifie une durée de 40 ans dans la Bible. Je crois qu'il n'est pas possible de remonter jusqu'à l'origine première, à l'acte ou l'événement fondateur qui a donné un sens particulier à cette période de 40 ans. Mais on sent qu'il y a une transformation, une évolution de ce laps de temps dans l'histoire.
    Plus on avance dans les siècles et dans la rédaction du texte biblique, plus cette période de temps de 40 ans est lourde de sens et devient figée. Figée dans le sens d'un moule dans lequel doivent venir se fondre les réalités, au prix de toute vraisemblance historique.
    L'illustration claire de ce phénomène se trouve dans le discours d'Etienne lorsqu'il récapitule la vie de Moïse. Il découpe la vie de Moïse en trois tranches de 40 ans, avec pour conséquence une vie d'une durée de 120 ans. La symbolique est forte, le respect de l'histoire est faible. L'origine doit donc se trouver à l'autre bout de cette trajectoire, là où l'histoire est forte et la symbolique naissante.
    Il est possible — mais ce n'est qu'une hypothèse personnelle — que l'on puisse retrouver la force de l'histoire et la naissance de cette symbolique dans la durée des règnes des rois David et Salomon. David et Salomon sont les figures royales les plus importante de l'Ancien Testament. Elles sont aussi reliées au Temple. David en a choisi le lieu, Salomon l'a fait construire.
    Chacun de leur règne a duré 40 ans nous disent les récits bibliques. Je pense que c'est historique, que ce n'est pas une construction littéraire. Manipuler les durées des règnes dans une généalogie, c'est créer de gênants décalages. Par contre, se servir de ces modèles et de la coïncidence de cette durée pour en faire une durée exemplaire et faire naître une symbolique est tout à fait plausible. Comme ces deux rois sont aussi des exemples — pas sur tous les aspects de leur vie cependant — de cheminement et de foi en Dieu, ces 40 ans deviennent une durée, un temps idéal fixé par Dieu.
    A partir de là, ce " temps idéal fixé par Dieu " peut être appliqué là où manquent des données historiques fiables. On trouve quelques exemples dans le livre des Juges (3:11; 5:31; 8:28; peut-être 3:30, 80=2x40 ans et à l'opposé 13:1) où l'action d'un Juge est suivie de 40 ans de paix dans le pays. Dans ce cas, ces 40 ans peuvent être considérés comme une très longue période, une période de longueur inespérée pour de la paix : je dirais "une éternité à dimension humaine."
    Mais la portée symbolique la plus forte se retrouve dans la durée du séjour des Israélites dans le désert : "Les enfants d'Israël mangèrent la manne pendant 40 ans (…) jusqu'à leur arrivée aux frontières du pays de Canaan." (Ex 16:35) Comme nous l'avons entendu dans la lecture de Jos 5, cette durée est assimilée au temps d'une génération.
    J'ai été frappé, dans ma recherche sur cette période au désert, comme l'interprétation de cette période peut amener à des visions opposées :
    - d'un côté une période maudite :
    "Pendant 40 ans cette génération n'a suscité en moi que du dégoût" dit Dieu (Ps 95:10)
    - de l'autre, une période de salut :
    "Durant 40 ans, Seigneur, tu as pris soin d'eux, dans le désert, ils n'ont manqué de rien. Leurs vêtements ne se sont pas usés, leurs pieds n'ont pas enflé. (Neh 9:21).
    Deux visions complètement opposées pour une même période. Cela rend peut être bien compte de la complexité de l'existence humaine, faite en même temps de révolte, d'épreuves et de bénédictions, sans qu'on puisse toujours dire dans nos vies ce qui tient plus de l'une ou de l'autre.
    Peut-être que le récit de la circoncision du peuple effectuée par Josué permet une sorte de synthèse, en montrant que les 40 années passées au désert sont des années de transformation. Symboliquement, la génération révoltée qui a dressé le Veau d'or est abandonnée au désert comme une vieille tunique, une vieille peau, pour laisser émerger une génération nouvelle et bénie, qui entre sur la Terre promise, où coule le lait et le miel.
    L'apôtre Paul a thématisé cette transformation en parlant d'abandonner de vieil homme pour revêtir — en Christ — l'homme nouveau, passer de la chair à l'esprit, de la circoncision de la chair à la circoncision du cœur.
    J'ai trouvé intéressant, dans le texte de Josué, le passage — au sens fort — qui se fait dans cette première Pâque célébrée après le passage du Jourdain : finie la manne du désert, on mange des épis grillés. Au niveau culinaire, cela me fait penser à cesser de manger du tofu bouilli pour déguster un steak grillé au barbecue. Au niveau théologique, dans le récit de l'Exode, la manne — bien que venant de Dieu — est plutôt un pain d'amertume. Littéralement MaNaH, la manne, veut dire "qu'est-ce que c'est ?" en hébreu. "Qu'est-ce que c'est que ce truc ?" Le désert, c'est aussi le temps de l'ignorance et de l'incertitude : combien de temps cela va-t-il durer ? Est-ce qu'on va s'en sortir ? Dans quoi est-ce qu'on est embarqué ? C'est pourquoi les plaintes ne cessent de monter vers Moïse et vers Dieu et que cette génération est qualifiée de rebelle.
    Dès le passage du Jourdain, cependant, les Israélites trouvent des épis cultivés. Ils passent, si j'ose dire, de l'ignorance à la culture. C'est pourquoi ces 40 ans sont aussi le symbole de la maturation, de l'accession à la maturité. Et l'on comprend mieux pourquoi il est dit que Moïse traverse trois phases de 40 ans dans sa vie, 40 ans pour découvrir le malheur de son peuple, 40 ans pour mûrir sa relation avec Dieu et 40 ans pour conduire son peuple vers la liberté.
    Pour récapituler, 40 ans représente le temps choisi, déterminé par Dieu; une éternité à dimension humaine; un temps de transformation, d'évolution, de maturation. C'est un temps suffisant pour sortir de nos Egyptes et accéder à la Terre des bénédictions.
    40 ans, aujourd'hui, c'est le temps d'une vie active, en tout cas aux yeux des caisses de pension. Aujourd'hui, il nous est même souvent donné des années, ou des décennies en plus. Est-ce que je mets ce temps à profit ?
    - pour une transformation de mon être entre les mains de Dieu ?
    - pour accéder à une sagesse qui me fait voir les bénédictions de la vie ?
    - pour transmettre ma foi, ma relation avec le Dieu qui nous conduit ?
    - pour dire ma reconnaissance pour le don des années reçues ?
    Est-ce que je vais donner quelque chose de ma personne pour être une pierre vivante dans l'édifice de l'Eglise et de la société de sorte que le monde ne se perdre pas dans le mal ?
    Nous avons passé le Jourdain, 40 ans de maturation sont derrière nous, un pays neuf s'ouvre devant nous : qu'allons-nous construire ?
    Amen


    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Marc 6. La mort de Jean-Baptiste : sans cesse la Parole de Dieu ressuscite !

    Marc 6
    19.2.2006
    La mort de Jean-Baptiste : sans cesse la Parole de Dieu ressuscite !
    Gn 3 : 1-13 Mc 6 : 14-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    En quoi l'Evangile — la bonne nouvelle — est-elle annoncée dans le récit de la mort de Jean Baptiste ? C'est sûrement à cause de cette difficulté que ce texte n'est pas inscrit au lectionnaire et rarement choisi pour le culte. Cependant, il est d'une grande richesse — même s'il est vraiment macabre !
    Ce récit est placé dans un chapitre qui tente de cerner l'identité de Jésus. Il y a la prédication à Nazareth où Jésus n'est pas cru. Il y a la multiplication des pains, un miracle qui assimile Jésus aux prophètes Elie et Elisée (1 R 17:10-16; 2 R 4:42-44). Jésus est revêtu de la puissance divine lorsqu'il marche sur l'eau et identifié au messie dans son pouvoir de guérison.
    Ce chapitre donne quelques réponses aux questions qui ouvrent notre récit : Jésus est-il Jean Baptiste ressuscité ? Est-il Elie ? Est-il un prophète ? Mais que vient faire le récit de la mort de Jean Baptiste dans cette quête d'identité ?
    Je crois qu'il est une sorte d'avertissement, de contre-point pour ceux qui veulent s'enthousiasmer. C'est une sorte de première annonce de la Passion. Attention : Jésus est le Messie, il guérit, il nourrit, il domine la mort (c'est le sens symbolique de la marche sur l'eau), mais rappelez-vous le sort des vrais prophètes ! Voyez ce qui est arrivé à Jean Baptiste ! C'est ce que va vivre Jésus aussi ! Et cela dit aussi — aux premiers chrétiens qui lisent cet Evangile — que c'est aussi le sort des témoins. Ce n'est pas pour rien que ce récit est encadré par l'envoi des Douze en mission (Mc 6:7-13) et leur retour (Mc 6:30).
    Le témoignage, l'annonce de la Parole, le rappel de la Loi divine entre directement en conflit avec les pouvoirs du monde et ceux-ci réagissent brutalement "depuis la fondation du monde" (Lc 11:50). En effet, ce qui est mis en scène dans ce récit de la mort de Jean Baptiste, c'est la répétition incessante du péché originel, mis en acte sous la forme du meurtre du juste.
    Je suis d'accord que le rapport entre le péché d'Adam et Eve et notre récit n'est pas évident, mais je vais vous le montrer. Ce qui m'a mis sur cette piste, c'est la circulation, d'une part de la demande de la tête de Jean Baptiste, puis la circulation en sens inverse de la tête de Jean Baptiste, d’autre part. Je relis une partie du texte :

    "La jeune fille sortit donc et dit à sa mère : Que dois-je demander ? Celle-ci répondit : La tête de Jean Baptiste. La jeune fille se hâta de retourner auprès du roi et lui fit cette demande : Je veux que tu me donnes tout de suite la tête de Jean Baptiste sur un plat !" (v. 24-25).

    "Le soldat apporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère" (v. 28).
    La demande est prononcé par Hérodiade (la mère de la jeune fille, nommée Salomé par la tradition), dite à Salomé et transmise à Hérode. Ensuite la tête est apportée par le soldat (qui représente Hérode) à Salomé qui la donne à sa mère.
    C'est ce retour de la tête qui m'a fait penser à Genèse 3 et à l'épisode de la "pomme". Quand Dieu interroge Adam : "Aurais-tu goûté au fruit ?" il répond : "C'est Eve qui me l'a donné." Et lorsque Dieu se tourne vers Eve, elle répond : "C'est le serpent…"
    Et précédemment, nous retrouvons le trio dans l'ordre inverse : le serpent propose le fruit, Eve le prend et le passe à Adam. Le même trio, le même aller-retour. Hérodiade joue le rôle du serpent, elle est l'instigatrice rusée qui tend le piège. Salomé joue le rôle d'Eve, la femme manipulée. Hérode (ou son soldat qui le représente) joue le rôle d'Adam, l'homme faible — faible non pas dans le sens physique ou congénital, mais parce qu'il renonce à se servir de la Loi divine comme d'une colonne vertébrale. Je reviendrais sur cette faiblesse synonyme de péché.
    Ainsi donc, se rejoue — sur le mode du meurtre, comme en Genèse 4 avec Caïn et Abel — le péché originel. Personne n'est dupe, toute le monde voit et sait que l'exécution de Jean Baptiste est un mal. Pourquoi ajouter une référence au péché originel ?
    Je pense que c'est pour accentuer le lien entre Jean Baptiste et Jésus, et celui de Jésus avec tous les prophètes qui l'ont précédé, qui ont été des porteurs de la Parole de Dieu avant lui. Ce qui est en jeu, c'est la place de la Parole de Dieu dans le monde. Et le texte dit avec force : On peut tuer les prophètes les uns après les autres, toujours la Parole de Dieu revient !
    C'est ce que dit Hérode — sans en avoir conscience — lorsqu'il dit : "Ce Jésus, c'est Jean Baptiste ressuscité !" (Mc 6:16) Toujours la Parole ressuscite et revient, jamais la Loi de Dieu ne sera tuée ou abolie. Au contraire, chaque fois qu'un témoin (martyr) est tué, cela renforce la Parole, c'est-à-dire cela montre à quel point elle est vraie. Tout le mal qui s'ajoute renforce l'affirmation que le mal est mal. La croix sera la dénonciation absolue du mal et en cela l'antithèse du péché originel.
    Je reviens à ce que j'ai appelé "la faiblesse" d'Adam, qui — dans notre récit — est celle d'Hérode. Je crois que ce récit est aussi une sorte de parabole sur la force et la faiblesse : Qui est vraiment fort et qui est vaincu par sa faiblesse ? Hérode manifeste des signes de force, de puissance, vis-à-vis de son entourage et de ses convives. Il peut aller jusqu'à donner la moitié de son royaume sans avoir l'impression de s'affaiblir. Mais il se trouve complètement dépourvu, lorsqu'il est pris au mot et qu'on lui demande d'exercer sa puissance contre Jean Baptiste. Il n'a pas envie de tuer Jean Baptiste, alors pourquoi le fait-il, s'il est puissant ?
    Dans le vocabulaire de Paul, on dira qu'il est "l'esclave du péché". Ici, je dirai qu'il est faible, parce qu'il choisit de ne vivre que de ses propres forces. Et celles-ci ne sont rien face au piège du serpent. Sa faiblesse, c'est son illusion d'être puissant, même tout-puissant. Il est piégé et se voit forcé d'exécuter Jean Baptiste parce qu'il n'écoute pas les limites que place la Loi divine. Son illusoire toute-puissance lui souffle que — s'il est maître de son royaume — il est aussi maître de la vie de Jean Baptiste. C'est ce que sous-entend perfidement la demande d'Hérodiade. Or la Loi divine dit justement que la vie, que toute vie humaine, appartient à Dieu et à Dieu seul.
    Hérode n'entend pas la Parole divine qui pourrait le sauver de cette situation. Ne lui aurait-il pas suffit de dire à ses convives et à Hérodiade : "la vie appartient à Dieu, demande-moi quelque chose qui m'appartienne" pour sortir du piège ?
    Ce récit renvoie au péché originel pour illustrer ce qu'est le péché. Le péché, c'est tuer la Parole de Dieu en soi. Le serpent tuait la Parole de Dieu en la mettant en doute : "Dieu a-t-il vraiment dit…" Hérodiade tue la Parole en insinuant qu'Hérode est le maître de la vie et de la mort. Nous tuons la Parole en nous chaque fois que nous la mettons de côté pour — pensons-nous — nous sauver d'un mauvais pas, ne pas perdre la face, ou gagner un avantage sur les autres. En faisant cela, nous nous séparons de la force de la Vie.
    Sans la Parole de Dieu, l'être humain n'est que faiblesse, qu'une coquille vide, manipulable à merci. La Parole de Dieu, le Christ, nous sauve de cette faiblesse — de cet état de péché en termes théologiques. En cela, même de façon plutôt macabre, ce récit nous rappelle la bonne nouvelle du salut.
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Matthieu 7. Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.

    Matthieu 7

    12.2.2006
    Dépasser quelques obstacles qui rendent la prière difficile.
    Luc 18 : 1-8 Mt 7 : 7-11


    Questions écrites par les catéchumènes à propos de la prière :

    Nous nous sommes posés quelques questions pratiques sur la prière :

    Pourquoi devons-nous assembler nos mains pour prier ?
    Pourquoi doit-on fermer les yeux et joindre les mains pour la prière ?
    Pourquoi doit-on dire « Amen » à la fin d’une prière ?
    Pourquoi suivant les religions on prie différemment ?
    Pourquoi des religions prient-elles en groupe ?

    Et puis quelques questions sur les effets de la prière :

    Quand on est plusieurs à prier, est-ce d’une plus grande valeur ?
    Pourquoi Dieu ne me fait-il pas faire des bonnes notes ?
    Est-ce que la prière peut faire revivre une personne disparue, morte ?
    Est-ce qu’une prière peut faire changer l’esprit d’une personne sur une chose ?
    Est-ce que la prière peut changer le cours de ma vie ?

    Enfin, des questions sur la communication avec Dieu :

    Est-ce que toutes les personnes peuvent entendre Dieu ?
    Est-ce que Dieu peut me répondre ?
    Est-ce que Dieu nous écoute tout le temps lorsqu’on prie ?

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Aborder la question de la prière avec des adolescents n'est pas facile. En fait, je ne suis pas sûr que prier soit beaucoup plus facile pour des adultes, même si certaines questions, notamment pratiques, sont résolues. Je n'ai pas de "recettes" concernant la prière; je ne pense pas non plus être le détenteur des "bonnes" réponses aux questions que vous avez entendues. Les catéchumènes en ont sûrement découvert eux-mêmes dans leurs groupes. J'aimerais plutôt relever quelques obstacles à la prière qui appartiennent à notre société et à notre temps. Je vais illustrer ces obstacles par quelques petites histoires.

    Imaginez maintenant un alpiniste qui se prépare à escalader un sommet difficile dans les Alpes. C'est le soir, il vérifie son matériel dans la cabane qui va lui servir de point de départ. Il est concentré. Le gardien de la cabane vient vers lui et lui demande ce qu'il veut faire le lendemain. L'alpiniste lui nomme le sommet et lui dit en même temps ses craintes et son espoir d'y arriver. A ce moment, le gardien lui dit : " L'hélicoptère doit me livrer des marchandises demain. Si tu veux, il peut te déposer au sommet. Comme ça tu y seras et tu n'auras pas à avoir peur d'échouer !"

    L'attitude du gardien est celle de toute notre société : le bonheur, c'est d'atteindre le but sans effort. Et souvent nos prières reflètent cet état d'esprit. Nous demandons à Dieu d'aplanir les difficultés, de réaliser nos souhaits sans notre participation, sans notre engagement. Une partie de nous souhaite cela. Mais une autre partie voit que cela n'a aucun sens.
    Le projet de l'alpiniste n'est pas de poser le pied sur le sommet seulement. C'est le chemin qui est important. C'est la lutte, l'effort, le combat qui donne un sens à sa présence ensuite au sommet. Demander la réalisation de nos souhaits, c'est prendre Dieu pour le Père Noël. Prendre Dieu pour le Père Noël, c'est se priver du bonheur de faire le chemin soi-même, même si le chemin se révèle difficile. Le Père Noël donne le but sans le chemin, donc en fin de compte il nous prive de l'expérience de la vie. Ce serait comme recevoir un bébé sans vivre la rencontre amoureuse ! Ne nous laissons pas prendre dans l'illusion que le bonheur est dans le but. La vraie vie est dans le chemin.

    Un homme arrive au paradis. Il est fâché. Il dit à Dieu : "Toute ma vie j'ai prié pour gagner à la loterie et jamais tu ne m'as exaucé !" Dieu lui répond : "Tu aurais pu m'aider en achetant au moins une fois un billet, non ?"
    Qu'est-ce que je fais de mon côté pour que ma prière se réalise ?

    La prière, ce n'est pas donner des ordres à Dieu, ni le faire plier à force de paroles. Bien sûr, la prière peut être un cri (voyez les Psaumes) dans une situation d'impuissance totale : "Je suis perdu, viens à mon secours !" Dans ce cas la prière permet de situer Dieu (au-dessus de moi) et de me situer moi-même et de faire le point.

    Mais le plus souvent, la prière va nous révéler que là où nous nous sentons impuissants à faire quelque chose à l'extérieur, nous pouvons au moins commencer à le faire à l'intérieur de nous-mêmes ! Tout changement commence à l'intérieur de soi-même. Lorsque je demande que quelqu'un change, je peux me demander pourquoi ce qu'il fait me dérange tellement et voir en moi ce que je peux transformer pour faire bouger la situation. Puis-je demander à l'autre de pardonner (tolérer) mes défauts, si je ne pardonne (tolère) pas les siens ? Commençons par acheter ce fameux billet de loterie avant de nous plaindre de ne jamais gagner.

    Un homme raconte à ses amis son voyage dans le Sahara.
    — Et puis le 3e jour, je me suis perdu. Je ne retrouvais pas le campement. J'ai marché toute la journée, puis la nuit. Le jour suivant, j'étais désespéré, je n'avais ni eau ni vivres. J'étais sûr de mourir, alors je me suis mis à prier : « Seigneur, sauve-moi, sauve-moi ! » Un de ses amis l'interrompt et lui dit :
    — Alors Dieu a répondu à ta prière puisque tu es là aujourd'hui !
    Et lui de répondre :
    — Non, il n'en a pas eu le temps ! A ce moment-même j'ai aperçu une caravane qui surgissait de derrière la dune.

    La réponse à une prière restera toujours une question d'interprétation, une question de foi. On peut aussi bien évoquer l'intervention de Dieu que la coïncidence. Dieu ne s'impose jamais avec des preuves incontestables. C'est une question de confiance…
    Lorsque Jésus parle de la prière, il met en jeu la confiance que nous mettons en Dieu, et en l'homme ! Il décrit des situations humaines — bonnes ou mauvaises — un juge qui fait la sourde oreille ou des parents biens disposés envers leurs enfants. Et Jésus montre qu'avec des gens ordinaires on arrive à obtenir ce qu'on demande. Ce n'est pas la question de tomber sur une personne bonne ou sur la bonne personne.
    Alors, si l'on fait confiance dans la bienveillance fondamentale de Dieu à notre égard, nous pouvons nous risquer à demander, à prier ! Jésus nous appelle à faire confiance à Dieu, à sa bienveillance. Dieu n'est pas un obstacle, Dieu n'est pas un ennemi, il est là — dans sa grandeur — non pour faire les choses à notre place, mais pour être comme un entraîneur, un coach qui nous aide à aller au bout de nos possibilités.
    Que demanderions-nous à notre entraîneur pour améliorer nos performances, sachant que ce n'est pas lui, mais nous qui allons nous battre pour la médaille olympique, pour vivre vraiment notre vie ?
    Prions comme nous parlerions à notre entraîneur !
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Genèse 45. Joseph et ses frères, une histoire de réconciliation

    Genèse 45
    29.1.2006
    Joseph et ses frères, une histoire de réconciliation
    Gn 42 : 6-24 Gn 45 : 1-9 Rm 8 : 26-29

    Chères paroissiennes, chers paroissiens,
    Ce dimanche Terre Nouvelle, nous nous penchons sur deux pays voisins — entre eux — le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC). Ces deux pays ont fait la une de nos journaux depuis plusieurs années, la plupart du temps malheureusement pour des événements sanglants, génocide, guerre, déplacement de population, camps de réfugiés, guérilla, viols, etc…
    Cependant, même si les journaux en parlent moins, il y a aussi d'énormes efforts de réconciliation qui sont entrepris, notamment au Rwanda. Je n'ai pas la compétence pour vous parler des processus mis en place là-bas pour construire la réconciliation, mais je trouve que le roman autour de Joseph, dans le livre de la Genèse, est une histoire de réconciliation qu'il vaut la peine de regarder de plus près.
    Je ne prétends pas que cette histoire soit le modèle de toutes les réconciliations, mais elle offre une vision d'un parcours qui me paraît instructif. Il émane de cette histoire une vraie sagesse. Voyons cela !
    Vous connaissez les péripéties du début de l'histoire. Joseph, le 11e fis de Jacob se met à dos ses frères aînés en racontant des rêves où il les domine tous. Agacés et jaloux, ses frères veulent le tuer pour s'en débarrasser. Finalement, un peu calmé par un frère aîné, Joseph n'est "que" vendu comme esclave, mais déclaré mort à son père Jacob.
    En Egypte, Joseph — grâce au don divin d'interprétation des rêves qui lui avait valu son mauvais sort — devient premier ministre du pharaon. Il gère tous les greniers du pays. Un jour, il voit venir ses frères pour lui acheter du blé. C'est là que commence l'histoire de leur réconciliation.
    D'abord, il faut relever que cette réconciliation n'est pas donnée comme automatique ou évidente. Dans un premier temps elle va dépendre entièrement de Joseph. Lui seul reconnaît ses frères. Eux pas. Ils sont comme aveuglés. Comment pourraient-ils reconnaître dans l'homme d'Etat, second d'Egypte, le frère nu et misérable qu'ils ont vendu comme esclave ?
    Le récit nous a fait vivre les péripéties de Joseph, mais n'a rien dit de son parcours intérieur. Cependant, ce qu'on voit de lui, c'est un homme sûr de lui dans cette cour de pharaon, un homme reconnu et vénéré pour ses compétences de gestionnaire. C'est loin de l'image d'une victime (du sort ou des circonstances) qui en veut à tout le monde et cherche vengeance !
    Joseph nous apparaît comme quelqu'un qui a digéré ses revers, qui n'en veut plus à ceux qui lui ont fait du tort (et il n'y a pas que ses frères…). Il est pacifié à l'intérieur de lui-même. Cela ne veut pas dire qu'il est angélique et sans méfiance. Il reçoit ses frères avec une certaine rudesse qui relève de la distance de quelqu'un qui a déjà été échaudé. Avant de se dévoiler, il doit vérifier s'il peut ou non leur faire confiance. C'est de la simple prudence.
    Dans les dialogues qui s'instaurent entre Joseph et ses frères, on constate que c'est Joseph qui tient le couteau par le manche. Il a totalement quitté son rôle de victime, il n'a pas attendu de revoir ses frères pour cela, il n'a pas attendu une parole ou un geste de repentance de leur part. S'il avait attendu cela de ses agresseurs, il aurait maintenu vis-à-vis d'eux une dépendance, il serait resté dans son rôle de victime, il serait resté assujetti à leur bon vouloir.
    Il y a là l'idée intéressante que le sort, ou le sortir, du rôle de victime n'appartient absolument pas à ceux qui ont fait du tort, ou aux circonstances, ou à un jugement des coupables. Tout est entre les mains de Joseph. Tout est à l'intérieur de soi, c'est à chacun de choisir et décider de sortir de cet état. Il est clair que c'est plus facile si l'on peut s'appuyer sur des alliés bienveillant, notamment sur Dieu.
    Deuxième constatation, ce sont les frères qui vivent les affres de l'angoisse. Ce sont eux qui ont peur, qui ont honte, qui vivent la culpabilité. Entre eux, ils évoquent leur méfait et font le lien entre leur peur et le mal qu'ils ont commis. Sûr que cela fait du bien à Joseph de les entendre avoir des regrets et des remords. C'est un cadeau pour lui, mais nous avons vu que ce n'est pas une condition pour Joseph pour être en paix avec lui-même.
    Jusque-là, Joseph et ses frères ont parcouru des chemins séparés : Joseph a éteint en lui la rancune, les frères ont réalisé le mal qu'ils ont commis. Le chemin de la réconciliation peut commencer. On pourrait penser que ce chemin va se faire ensemble. Eh bien pas tout de suite. La mise à l'épreuve est encore un chemin séparé. Le récit nous rappelle que les dialogues se font au travers d'un interprète — qui occupe la place d'un médiateur. De fait, les frères ne reconnaissent toujours pas Joseph.
    Joseph est comme caché derrière le masque de sa fonction, cependant ce masque craque. Au fur et à mesure que Joseph découvre à quel point ses frères ont changé — à quel point ils sont unis et solidaires et ne laissent pas tomber celui qui doit rester en otage — Joseph est ému et pleure. Trois fois le texte souligne que Joseph pleure et doit se retirer (Gn 42:24; 43:30; 45:2) Enfin, Joseph, n'y tenant plus, il laisse tomber son masque et se dévoile à ses frères.
    La réconciliation se matérialise autour d'un repas partagé. Fête de retrouvailles où les rôles disparaissent, tous se retrouvent frères, enfants d'un même père. Et là se déroule la dernière étape de la réconciliation : la relecture de l'histoire de Joseph avec cette déclaration : "Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, mais Dieu." (Gn 45:8)
    Quelle confession de foi étonnante pour quelqu'un qui s'est retrouvé esclave et prisonnier avant d'être relevé ! "Ce n'est pas vous … mais Dieu !" Il n'y a pas de plus belle déclaration pour dire qu'il n'existe plus de rancune entre ces frères. C'est peut-être là le secret de Joseph, la force qu'il a utilisée pour sortir du rôle de victime dans lequel ses frères l'ont précipité : s'en remettre à Dieu dans une confiance totale.
    "Ce n'est pas vous … mais Dieu !" c'est une phrase de confiance totale en la Vie, en Dieu. Une phrase qui affirme que tous les événements peuvent receler un chemin, une voie vers le bien, vers le bonheur, même si l'on passe par des circonstances qui nous abattent.
    C'est cette même confiance totale qui se manifeste dans les paroles de l'apôtre Paul lorsqu'il affirme que "tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu" (Rm 8:28). Comment, dans notre vie, y compris lorsqu'on a été victime ou que l'on se sent victime, arriver à ce stade de sagesse ?
    Amen

    © 2006, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.

  • Luc 2. Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Luc 2
    24.12.2005
    Dieu vient habiter dans nos existences et y placer des signes.

    Lecture de Habacuc 1:12—2:3

    Voilà, c'est Noël ! C'est le temps de la joie, des cadeaux, des lumières. C'est un temps de fête, de réunions de famille, de réjouissances… Mais, il me semble qu'on gomme artificiellement une partie de la réalité, si on ne prend pas en compte la fatigue — par exemple de ceux qui ont travaillé dans les magasins jusqu'à 17h aujourd'hui. Ou bien la lassitude de ceux pour qui Noël, cette année, sera moins lumineux qu'auparavant.
    Je ne veux pas jeter un voile de tristesse sur la joie de Noël, mais qui peut dire qu'il n'a pas aussi un sentiment mitigé, partagé. Nous voudrions bien être complètement dans la joie, mais nous n'y arrivons pas. Il reste en nous-mêmes un lieu qui n'est pas comblé, une part toujours en attente du bonheur. Comment pourrions-nous être totalement joyeux alors qu'une grande partie du monde souffre ?
    C'est dans ce monde réel que le prophète Habacuc en appelle à Dieu ! Non, le monde n'est pas satisfaisant, notre vie ne nous comble pas, nous ne sommes pas totalement heureux. Toujours, nous avons cette impression qu'il nous manque quelque chose pour être heureux, parfois peu, parfois beaucoup.
    Noël ne vient pas gommer l'obscurité, effacer nos manques. C'est au cœur de cette réalité-là que Dieu vient faire retentir sa promesse : "Je viens habiter ce monde !" Tout ce que nous vivons, la routine conjugale, les conflits avec les enfants, ou les parents, la pénibilité du travail, la solitude de l'âge, tout cela, Dieu vient l'habiter de sa présence. La lumière vient briller dans les ténèbres.
    « Après la longue et sombre nuit, le ciel va rayonner » Cantique 263.
    * * *
    Lecture de Luc 1 : 46-55

    Jésus habite et grandit dans le ventre de Marie. Dieu vient habiter et grandir dans nos existences. Dieu se fait une place dans la vie réelle des humains. Le Vivant, la Vie, nous rejoint.
    Le cantique de Marie exprime la joie de recevoir ce cadeau de Dieu. Rendez-vous compte, Il s'abaisse jusqu'à notre petite personne pour y déposer la Vie, venir y habiter et grandir en nous.
    Nous aurions tellement voulu nous élever jusqu'à Dieu, trouver le moyen de lui plaire pour qu'il nous aime — n'est-ce pas ce que nous faisons constamment face aux autres dans notre vie ? — pour être aimés. Mais non, c'est lui qui — le premier — pose un regard sur nous.
    Il pose un regard sur nos vies, sur le concret de nos vies ! Sur nos relations à nos enfants ou à nos parents; sur notre travail ou notre mariage; sur notre solitude ou nos engagements. Il pose un regard, il vient y habiter et il les transfigure, il les transforme.
    Comme vous l'avez entendu, Dieu vient bouleverser nos hiérarchies, renverser nos situations :

    "Il renverse les rois de leurs trônes,
    il donne un place élevée aux humbles.
    Il accorde des biens en abondance à ceux qui ont faim,
    il renvoie les riches les mains vides." (Luc 1:52-53).
    En posant un regard sur nos vies, Dieu rétablit les valeurs, il remet l'essentiel à la première place, il nous confronte à nos blocages, à nos entraves, à nos inachèvements pour nous élever. En ce Noël, Dieu vient habiter chacun de nous. Dans notre vie, dans notre existence concrète, il vient mettre sa Vie pour qu'une partie oubliée, négligée ou morte de nous-mêmes revienne à la vie.
    Je vous invite à méditer — pendant le silence qui suit — quelle partie de vous Dieu peut faire revenir à la vie, peut féconder.
    Silence, puis cantique 261, « L'enfant qui naît à Bethléem »
    * * *
    Lecture de Luc 2 : 1-19

    Croyez-vous qu'il a été facile pour les bergers de croire le message transmis par les anges ?
    Croyez-vous qu'il a été facile pour Marie et Joseph de comprendre que leur nuit dans l'étable était un grand miracle et une bénédiction pour l'humanité ?
    Nous sommes tellement habitués à ce récit que nous ne voyons plus la réalité tellement les signes sont devenus envahissants. Les signes du mystère sont devenus plus grands que l'événement. On voit davantage les lumières et les paillettes que l'épaisseur du réel : le froid de la nuit, le risque d'un accouchement et la démangeaison de la paille !
    N'est-ce pas l'inverse dans nos vies ? Osons-nous seulement penser que nos vies sont parsemées de signes qui marquent le passage de Dieu ? Saurons-nous faire de nos vies des récits de Noël, c'est-à-dire oser faire la lecture des signes que Dieu y sème ?
    Noël, c'est l'affirmation que les signes de Dieu ne restent pas dans le ciel, dans les étoiles, mais qu'ils sont inscrits dans la réalité terrestre de nos vies, et de nos vies toutes simples, toutes humbles ou souffrantes.
    Dans une paroisse de Lausanne, le pasteur a proposé aux catéchumènes d'être — pendant un trimestre — l'ange d'un autre catéchumène. Mais cela devait se faire dans le secret, dans la discrétion. L'ange ne devait pas se révéler comme tel, mais laisser quelques signes à reconnaître. A chacun de trouver ces signes et peut-être de reconnaître son ange gardien.
    On peut imaginer à quel point l'atmosphère du groupe s'en est trouvée transformée ! Comment cela serait-il à l'échelle de la paroisse, du village, du canton, du pays, du monde ?
    Quelle joie de recevoir un signe, même anonyme ! Quelle joie dans le déploiement d'ingéniosité pour placer un signe sans être découvert !
    Dieu a placé un signe dans la crèche et bien d'autres encore dans chacune de nos vies. Alors, partons joyeusement à leur découverte !
    * * *
    Prions
    Nous avons besoin, Seigneur, de signes quotidiens qui relèvent notre tête vers la lumière.
    Comment pourrions-nous avancer dans la vie sans personne qui nous encourage à progresser ?
    Comment pourrions-nous aimer, sans recevoir, au milieu de nos jours, des gestes de tendresse et d'offrande ?
    Comment pourrions-nous croire, Seigneur, sans rencontrer au long du chemin une communauté qui révèle ta présence ?
    Comment pourrions-nous espérer sans la passion de ceux qui — malgré les échecs et les doutes — réveillent en nous l'enthousiasme des rêves à réaliser ?
    Seigneur, fais-nous prendre conscience des signes disposés dans notre vie et qui nous appellent à mener notre existence humaine à la clarté de l'évangile de Jésus de Nazareth, Lui, le signe de Dieu venu parmi les hommes.
    Amen

    © 2005, Jean-Marie Thévoz, Suisse, Bussigny.